MÉMOIRE DE L’ASSOCIATION DE LA
CONSTRUCTION NAVALE DU CANADA

SOMMAIRE

La Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale (SNACN) rendra les achats de navires du gouvernement fédéral plus prévisibles et plus cohérents. Deux chantiers navals seront choisis et seront chargés de construire les navires du gouvernement pendant les prochains 20 à 30 ans. Le présent mémoire traite de la situation des petits chantiers navals et de ceux qui ne participent pas directement à la SNACN.

Les petits chantiers navals commerciaux doivent affronter de nombreux défis :

·         Le marché américain leur est fermé. L’ALENA a ouvert ces marchés à la plupart des Canadiens, mais pas aux constructeurs de navires.

·         Les subventions restent encore très courantes.

·         Les accords bilatéraux de libre-échange n’aident pas les constructeurs de navires.

·         Les technologies perfectionnées utilisées dans les navires et par leurs constructeurs ne sont pas reconnues.

Les mesures d’aide du Canada disparaîtront sous peu à moins que des mesures ne soient prises.

·         Le Mécanisme de financement structuré (MFS) n’est pas provisionné.

·         Les acheteurs de navires peuvent encore bénéficier de la déduction pour amortissement accéléré, mais cela ne les empêche pas de s’adresser aux chantiers navals étrangers.

·         L’industrie a besoin d’un programme de financement de navires à long terme (25 ans), qui n’existe pas encore au Canada.

Recommandations

1.    Le MFS devrait continuer à être financé à 20 millions de dollars par an pendant un minimum de 5 ans. Au terme de cette période, le programme devrait être revu avant que d’autres décisions d’investissement ne soient prises.

2.    Les propriétaires canadiens devraient pouvoir se prévaloir simultanément du MFS et de la déduction pour amortissement accéléré.

3.    Le gouvernement du Canada devrait accorder des prêts à long terme (jusqu’à 25 ans) d’un montant pouvant atteindre 87,5 p. 100 du prix du navire.

Introduction

Le gouvernement fédéral s’apprête à mettre en œuvre une Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale (SNACN). Ce programme est conçu pour rendre plus prévisible et plus cohérente la façon dont le gouvernement fédéral construit ses navires. Le processus concurrentiel qui en découlera permettra de choisir deux chantiers navals qui seront chargés de construire les navires de la Marine et de la Garde côtière pendant les prochains 20 à 30 ans. On s’attend à ce que ce choix soit fait début septembre 2011. La SNACN constituera une solution canadienne pour l’acquisition des navires du gouvernement. Elle pourrait bien transformer les deux chantiers navals en question en entreprises de calibre mondial. Fait plus important, elle permettra d’équiper la Marine et la Garde côtière de navires modernes conçus en fonction des conditions très particulières qui caractérisent les zones maritimes dont le Canada a la responsabilité.

Le principal objet de ce mémoire est d’examiner les enjeux touchant les chantiers navals du secteur commercial qui sont peu susceptibles de participer directement à la SNACN.

Contexte

Il est nécessaire de comprendre les obstacles que connaît le secteur commercial de la construction navale.

La construction navale est exclue de l’Accord de libre-échange nord-américain en vertu du Jones Act des États-Unis, qui interdit aux constructeurs de navires canadiens de faire la concurrence aux entreprises américaines aux États-Unis.

Les subventions restent encore très courantes sur les marchés mondiaux de la construction navale. Il y a eu des changements subtils qui ont permis de transformer les subventions nationales en subventions accordées par les états et les municipalités sous forme de concessions fiscales et d’investissements d’infrastructure.

Par ailleurs, les efforts déployés par le Canada pour conclure des accords bilatéraux de libre-échange sont en train d’ouvrir les marchés canadiens à des pays ayant un secteur bien établi de construction navale, ce qui menace l’emploi et le gagne-pain de beaucoup de Canadiens sans que nos chantiers navals en tirent un avantage évident. L’accord Canada-Association européenne de libre-échange a failli tomber à l’eau à cause de la question des chantiers navals, même s’il n’y a qu’un seul pays membre de l’AELE qui porte de l’intérêt à ce secteur. Il s’agit de la Norvège, qui aura bientôt accès au marché canadien.

Au Canada, le manque de sensibilisation aux questions maritimes ne permet pas de réaliser l’économie de haute technologie associée à la construction de navires.

La suppression arbitraire des droits de douane que le ministère des Finances a décidée pour certaines catégories de navires, notamment les traversiers, a eu des conséquences négatives pour l’industrie.

Examen de la situation

Le Mécanisme de financement structuré

La seule mesure d’aide dont peuvent se prévaloir les constructeurs de navires commerciaux n’est pas financée et risque de disparaître maintenant que le gouvernement cherche à équilibrer le budget.

Le Mécanisme de financement structuré (MFS) a été établi en 2001-2002 pour stimuler la demande de navires construits au Canada. Il offre un soutien du taux d’intérêt sous forme d’une réduction des coûts de financement liés à l’acquisition ou à la modification d’un navire ou d’une structure extracôtière de construction canadienne. L’aide est accordée sous forme d’une contribution non remboursable. Elle peut atteindre 15 p. 100 du prix payé au chantier naval. Après impôts, le MFS a une valeur de 8 p. 100. Au cours des deux dernières années, les montants déboursés se sont élevés à environ 15 millions de dollars. Le coût d’une année-personne d’emploi résultant du MFS est calculé à 17 000 $ seulement. Il s’agit donc d’un petit programme très efficace.

À l’heure actuelle, nous croyons savoir que le MFS reste autorisé, mais qu’il n’est pas provisionné.

Déduction pour amortissement accéléré

La déduction pour amortissement accéléré permet à un propriétaire canadien ayant un bilan approprié d’amortir sur quatre ans le coût en capital des navires construits au Canada. La DPA vaut 10 p. 100 du prix du navire.

Aux termes de la réglementation actuelle, un propriétaire peut se prévaloir soit de la DPA soit du MFC, mais pas des deux. La possibilité d’accéder aux deux assurerait au propriétaire un avantage raisonnable pouvant l’inciter à prendre la décision de construire son navire au Canada.

Financement à long terme

L’une des principales raisons pour lesquelles les propriétaires commerciaux canadiens font construire des navires à l’étranger réside dans le financement avantageux qui leur est offert et qu’ils ne peuvent pas obtenir au Canada.

Les chantiers navals des États-Unis peuvent accéder à des garanties de prêts connues sous le nom de Title XI. Le principal objet du programme est de favoriser la croissance et la modernisation de la marine marchande et des chantiers navals américains. Le programme permet aux emprunteurs d’obtenir du financement pour une période maximale de 25 ans à un taux fixe qui est ordinairement plus avantageux que celui du marché, le gouvernement des États-Unis garantissant le principal et les intérêts des prêts destinés à financer ou à refinancer la construction de navires battant pavillon américain ou la modernisation de chantiers navals américains.

Du financement à long terme peut être offert au Canada sans causer de distorsions sur le marché et sans coûts supplémentaires. Si un simple consommateur canadien peut facilement financer sur 20 ans un véhicule récréatif, pourquoi un propriétaire de navires ne peut-il pas obtenir la même chose?

Il n’existe actuellement pas de marché commercial au Canada pour le financement à long terme des navires à cause de la rareté des occasions. Entre-temps, un soutien gouvernemental aux conditions du marché est nécessaire pour faciliter l’octroi de tels prêts et susciter de l’intérêt parmi les intervenants.

Conclusion

Lorsqu’un propriétaire construit un navire à l’étranger, le Canada perd toute la richesse et les avantages économiques correspondants, y compris les emplois, la formation axée sur les compétences, le bien-être des familles, les impôts fédéraux, provinciaux et municipaux, etc. De plus, les pièces et l’équipement d’un navire construit à l’étranger nécessitent des arrangements logistiques qui excluent beaucoup de fournisseurs canadiens pendant la durée de vie du bâtiment. Il est de noter qu’un grand chantier naval canadien peut avoir quelque 2 000 fournisseurs.

Par ailleurs, lorsqu’un propriétaire construit un navire au Canada, l’investissement reste dans le pays dans une proportion de 80 p. 100. Il y a donc de très bonnes raisons de construire au Canada. Chacune des recommandations qui suivent est conçue pour encourager les propriétaires canadiens à passer leurs commandes au Canada.

Recommandations

1.    Le MFS devrait continuer à être financé à 20 millions de dollars par an pendant un minimum de 5 ans. Au terme de cette période, le programme devrait être revu avant que d’autres décisions d’investissement ne soient prises.

2.    Les propriétaires canadiens devraient pouvoir se prévaloir simultanément du MFS et de la déduction pour amortissement accéléré.

3.    Le gouvernement du Canada devrait accorder des prêts à long terme (jusqu’à 25 ans) d’un montant pouvant atteindre 87,5 p. 100 du prix du navire.